L'étude du Prof. Elizabeth Olmsted Teisberg (Darden Graduate School of Business et Harvard Business School) fait ressortir les possibilités et les chances d'une concurrence axée sur les besoins des patients dans le système suisse de la santé. L'Association Suisse d'Assurances (ASA) a édité cette publication en collaboration avec economiesuisse, Hirslanden, Interpharma et Swisscom IT Services.
Résumé
Le système de santé suisse a jusqu’à présent fourni d’excellentes prestations, mais il fait face à la pression de plus en plus forte due à l’augmentation des coûts, à l’incidence croissante des maladies chroniques et au vieillissement de la population. La législation exige que tous les habitants aient une assurance-maladie de base et un accès à des soins de santé de grande qualité, efficaces, adéquats et économiques. En raison des pressions auxquelles le système est soumis, les débats sur les réformes ont tendance à porter essentiellement sur les coûts. Paradoxalement cependant, plus la réforme du système se concentrera sur la réduction des coûts, plus ceux-ci auront tendance à exploser.
Une population en bonne santé coûte moins cher qu’une population malade. C’est là que résident les chances et le potentiel d’une réforme du système de santé. En revanche, une coordination insuffisante, des gaspillages, des erreurs médicales et de mauvaises pratiques débouchent sur de mauvais résultats de santé, d’où découlent des coûts supplémentaires. Une réforme qui se focaliserait sur l’amélioration de la valeur ajoutée pour les patients permettrait en revanche au système de santé de fournir des soins de haute qualité, efficaces et économiques à toute la société.
Lorsqu’ils ont formulé leurs principes, dans Redefining Health Care (2006), Michael E. Porter et Elizabeth Olmsted Teisberg ont suggéré que le système soit dirigé par les médecins, que les soins soient guidés sur les résultats et axés sur les besoins des patients. La réorientation des soins vers l’amélioration des résultats (c’est-à-dire une meilleure santé) permet de diriger les efforts de tous les acteurs vers un même objectif et d’aboutir à des améliorations considérables.
L’analyse du système de santé suisse axée sur l’amélioration de la valeur ajoutée pour lesène aux huit recommandations suivantes:
1.
Le système de santé suisse dispose de bonnes bases – qu’il s’agit de préserver– en vue de mener des réformes: couverture d’assurance obligatoire, catalogue de prestations uniforme et généreux, primes par tête, subventions aux personnesà faibles revenus. La couverture universelle est cruciale pour assurer l’égalité des chances (equity) et l’efficience, mais elle ne peut pas à elle seule contribuer à améliorer en profondeur et de manière continue la valeur ajoutée du système pour les patients. Une redéfinition de l’approvisionnement en soins permettrait d’accroître ce bénéfice, de sorte que la Suisse pourrait continuer à financer des soins de haute qualité pour tous ses habitants.
2.
La Suisse doit mesurer des résultats ajustés sur les risques par équipe clinique et par pathologie et les rendre publics. Il s’agit de la réforme prioritaire principaleà court terme pour tous les acteurs. Le fait de mesurer les résultats aura pour effet de focaliser les intérêts de tous les acteurs sur l’objectif commun: l’amélioration de la valeur ajoutée pour les patients. Ces informations sont également indispensables en tant que base de décision pour les patients et les médecins. Les informations sur les résultats et les coûts des traitements par équipes cliniques et pathologies devraient être élaborées par étapes, puis ensuite publiées.
3.
La Confédération doit promouvoir la mesure des résultats en exigeant et en encourageant l’élaboration des méthodes adéquates et la diffusion des résultats. C’est le seul moyen d’atteindre l’objectif fixé dans la LAMal, à savoir fournir des soins efficaces, adéquats et économiques. Le financement public se justifie, car il contribuera à surmonter les hésitations et résistances initiales. Les organisations professionnelles et les autres associations non-gouvernementales peuvent, avec le concours de médecins et d’organisations médicales, élaborer les méthodes de mesure, les mettre en oeuvre et analyser les résultats.
4.
Les hôpitaux et les équipes médicales doivent réorganiser les prestations de soins autour des pathologies et pour l’ensemble du cycle de soins. L’amélioration des processus au sein des structures existantes est utile. Mais si l’on veut améliorer nettement l’efficacité, l’adéquation et le caractère économique des soins, il faut réorganiser ces derniers autour des pathologies, c’est-à-dire au niveau où la valeur ajoutée bénéficie au patient. Ce changement fondamental a déjà été lancé dans certains hôpitaux de renommée mondiale. Les cantons, leurs hôpitaux ainsi que les hôpitaux privés, peuvent prendre la tête de ce processus et redéfinir ainsi le système.
5.
Les assureurs maladie doivent se faire concurrence au niveau de la valeur ajoutée pour les patients. A cet effet, ils doivent mesurer la santé de leurs assurés et les résultats des soins. La multiplicité des caisses maladie, caractéristique du système de santé suisse, peut constituer un atout si les assureurs maladie ne se contentent pas de payer, mais s’ils mesurent leur succès à l’aune de la santé de leurs membres. Les assureurs maladie proposant des contrats sur plusieurs années et mesurant l’état de santé de leurs membres seront incités à favoriser les traitements efficaces et précoces plutôt qu’à retarder les soins en espérant reporter les coûts sur d’autres. Si la concurrence porte sur la valeur ajoutée pour les patients, les assureurs maladie deviendront le moteur de l’innovation et contribueront à améliorer tant les résultats des soins au niveau individuel que la santé publique en général.
6.
La réforme doit encourager la responsabilité individuelle, plutôt que chercher à répartir les coûts sur les individus. Les assurés doivent participer à la réforme en assumant leurs responsabilités en matière de santé. L’amélioration de l’information sur les traitements efficaces, la gestion des traitements (disease management) et la transparence des coûts sont de bons moyens de renforcer cette responsabilité individuelle. Des patients bien informés et impliqués dans les processus de décision se comportent de manière à améliorer les résultats et à réduire les dépenses. Pourtant, bien qu’il existe mille possibilités d’améliorer l’information et la responsabilité individuelle, ces éléments ne sont pas au centre du système de santé actuel. Les débats sur la responsabilité individuelle ont tendance à se confiner à la question de savoir qui doit payer un traitement et comment répartir les coûts sur assurés. Or, tous les acteurs peuvent contribuer à augmenter la valeur ajoutée que les patients retirent du système de santé. Diverses approches sont possibles, par exemple: informations facilitant le choix entre différents traitements et entre différentes équipes cliniques, surveillance à domicile et communication entre les prestataires dans le cadre d’un programme de gestion du traitement, éducation à la santé publique, fourniture d’un dossier médical personnel, conseils et soutien pour
faire changer de mode de vie, organisations de patients. Des incitations financières, notamment des réductions de primes et de franchises lorsque l’assuré atteint les objectifs en termes de santé, peuvent compléter le dispositif, mais elles sont moins directement liées à l’amélioration de la santé et des choix.
7.
Les technologies de l’information et de la communication (TIC), sous leur dénomination cybersanté ou E-Health, ne doivent pas se borner à simplifier les processus administratifs; leur large exploitation doit permettre de passer à un système de santé focalisé sur la valeur ajoutée pour les patients. Pour que les TIC contribuent de manière prépondérante à la réforme des structures – c’est-àdire passer à un système de soins intégrés sur l’ensemble du cycle de traitement, faciliter les décisions et réduire le taux d’erreurs médicales – elles doivent formuler des standards de mesure et d’analyse des résultats et mettre en réseau les dossiers médicaux sous forme électronique. Pour autant, la sécurité et la protection des données des patients doivent être assurés sans que le prélèvement de données et la comparaison des résultats en soient entravés. Les coûts de la mise en place de TIC respectant ces principes seront plus que compensés par les avantages en termes de
bénéfice pour les patients, si la cybersanté est mise en oeuvre dans le cadre de réformes structurelles qui améliorent l’efficacité et la rentabilité sur l’ensemble du cycle de soins. L’exploitation des TIC aux seules fins d’informatiser le système actuel n’offre en revanche pas autant d’avantages. Si les conditions mentionnées sont remplies, l’adoption de la cybersanté peut être facilitée par des incitations
financières conformes à la LAMal. Ainsi, l’utilisation des TIC, combinée à la mesure des résultats, aura pour effet d’accélérer la réforme structurelle du système autour des pathologies et d’augmenter la valeur ajoutée pour les patients.
8.
La réforme doit provoquer une compétition entre tous les cantons. Cette concurrence permettra aussi d’attirer des patients de l’étranger. Chaque équipe médicale doit comparer ses résultats à ceux d’autres équipes à l’échelle de la Suisse, de l’Europe et même du monde entier. En effet, l’excellence médicale et scientifique n’est pas locale. Les médecins qui feront ces comparaisons et maintiendront leuréquipe au meilleur niveau international contribueront à améliorer en permanence la qualité des soins prodigués à leurs patients. A son tour, cette évolution profitera directement à la santé des citoyens suisses et permettra à notre pays de développer une réputation internationale d’excellence dans la santé.
La Suisse a la chance de ne pas devoir affronter encore de crise profonde de son système de santé. Mais l’évolution actuelle ne favorise pas les améliorations rapides et continues de la qualité des soins ou de la valeur ajoutée pour les patients. Les atouts du système de santé suisse – catalogue de prestations uniforme et généreux, assurance universelle obligatoire, primes par tête, réduction des primes pour les personnes à faibles revenus, mandat de qualité, accès pour tous sans listes d’attente et sans rationnement – forment une base solide pour procéder à des réformes. Le catalogue des propositions énumérées ci-dessus permettra à la Suisse de devenir un modèle d’excellence en matière de santé pour l’ensemble de sa population.
Source : ASA, Association Suisse d'Assurances, août 2008
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