Le consommateur helvétique paie sa minute de communication, en moyenne, 80% plus chère que ses voisins européens. Pour les tarifs d'itinérance (roaming), la différence est, sur le continent, tout aussi importante.
«Jamais aucun autre opérateur n’a protesté officiellement contre les tarifs demandés par Swisscom, Orange et Sunrise.» Cette phrase explique à elle seule pourquoi les Suisses paient le plus cher en Europe en téléphonie mobile. Lâchés mercredi par Philipp Metzger, vice-directeur de l’Office fédéral de la communication (Ofcom), ces quelques mots s’accompagnent de chiffres.
En moyenne, chacun des trois opérateurs de téléphonie mobile demande à tous ses concurrents 10,54 centimes d’euro la minute pour accéder à son réseau. La moyenne européenne est, elle, de 6,7 centimes. Conséquence: un consommateur suisse moyen débourse actuellement 30,62 euros en téléphonie mobile par mois, soit 79% de plus qu’un Européen (17,09 euros).
Record du continent
Affichés à Bienne par l’Ofcom lors de sa présentation annuelle, ces chiffres indiquent le fossé qui sépare la Suisse de ses voisins. «Il est possible que certains opérateurs remettent actuellement en question les tarifs de terminaison mobile demandés par Swisscom, Orange et Sunrise, mais je ne peux rien vous dire de plus pour l’instant», glisse Philipp Metzger. D’ici là, les Helvètes resteront à coup sûr les plus dépensiers en téléphonie mobile. Leur facture annuelle s’élève à 482 euros, contre 323 euros pour la moyenne des consommateurs européens.
Certes, mais les trois opérateurs de téléphonie font face à des coûts d’investissements importants en Suisse, rétorquent-ils pour leur défense. Or c’est en partie faux.
L’Ofcom a calculé le ratio des investissements par rapport à leur revenu. Il est de 15,4% en Suisse, soit très légèrement plus que la moyenne européenne (14%). «Il y a un potentiel pour davantage d’investissements en Suisse», affirme Philipp Metzger, qui sous-entend ainsi que les marges des opérateurs helvétiques sont plus que confortables. De plus, les champions européens en investissement ne sont pas Polonais ou Slovaques, mais Luxembourgeois (23,9%) et Danois (23,4%).
En moyenne, 150 000 Suisses demandent chaque année une portabilité de leur numéro - et changent ainsi d’opérateur. Ce chiffre, très faible vu les 8,7 millions de cartes SIM en circulation, explique en partie pourquoi Swisscom détient 62,3% du marché.
En itinérance («roaming»), les différences entre les Suisses et les Européens en déplacement frisent les 80%. Nos voisins profitent des plafonds tarifaires fixés par la Commission européenne pour la voix, les SMS et le transfert des données. Et ces plafonds baissent d’année en année. «Les Suisses en ont indirectement bénéficié il y a deux ans, mais force est de constater que l’écart entre les tarifs pour les Suisses et les Européens s’est accru depuis», déplore Philipp Metzger. Les opérateurs helvétiques seraient-ils incapables de négocier des tarifs moins élevés avec leurs partenaires étrangers? «Disons qu’ils ne font pas forcément le poids au niveau continental et que peut-être que les opérateurs européens se rattrapent en partie sur eux pour compenser la limite maximale des tarifs dans l’Union européenne», poursuit le vice-directeur de l’Ofcom.
Imposer un plafond aux opérateurs suisses serait-il possible? «Pas sans un accord bilatéral avec l’UE. Or en 2008, le Conseil fédéral a déclaré qu’un tel accord n’était pas prioritaire», conclut Philipp Metzger.
Source: Anouch Seydtaghia, Le Temps, Juillet 2010